La justification de l'avion
Une première constatation s’impose : la gravité des cas pathologiques justifiait la mission aérienne.
Le Médecin Général Heckenroth écrivait dans les annales de médecine et de pharmacie coloniale de 1937 :
"Les vingt cinq missions sanitaires effectuées au cours de l’année 1935 comportent dix huit évacuations sur Tananarive et sept transports de médecins ou de chirurgiens auprès des patients.
Du point de vue médical, elles se répartissent en douze cas chirurgicaux, dont six appendicites, trois blessés (une double fracture de cuisse, un blessé du crâne, un enfoncement du sternum, deux abcès du foie et un phlegmon du cou) qui ont pu, ainsi, être traités dans les premières heures.
Six cas de maladies graves évoluant chez des individus fatigués par le climat exotique, ont pu être améliorés dans les formations de Tananarive.
Sept fois, l’avion a été utilisé pour le transport sur l’Institut Pasteur de Tananarive, en vue du traitement spécifique d’européens et d’indigènes mordus par des chiens suspects de rage"
Une deuxième constatation s’impose, c’est que, au cours de ces périodes il n’y eut que deux atterrissages forcés, dus à une panne de moteur.
Ces deux incidents n’ont entraîné aucun dommage corporel. Les avions se posèrent sur des terrains de secours qui jalonnaient les routes aériennes.
La route aérienne de Majunga à Diego-Suarez était sécurisée par la possibilité d’atterrissage d’urgence sur sept terrains de secours ou, de détournement sur cinq terrains d’escale postale (indiqués par des chiffres romains sur la carte), ainsi que le montre la carte suivante.
Les terrains de secours étaient marqués, non seulement, sur la carte en chiffres romains, mais encore, au sol, par des alignements d'une taille et d'une couleur visibles de loin.
Cette épopée des évacuations aériennes en monomoteur s’est déroulée entre 1932, année d’arrivée, dans la Grande Ile de trois Potez 29 et 1942, date de destruction de la presque totalité des avions militaires, sous les obus de l’aviation britannique au cours de l’opération Ironclad…
Mais l’opération Ironclad est une autre histoire.
Le travail de mémoire est venu enrichir ce récit historique, car j’ai le souvenir personnel d’avoir vu mon père, rapatrié sanitaire de Diego-Suarez à Ivato en mai 1942.
J’ai le souvenir, aussi, d’une conversation en 1964, à Nice, avec le Colonel Dire, ancien commandant de l’aviation militaire de Madagascar, sur ce sujet , qui le passionnait.
Il m’a raconté comment il traçait ses routes aériennes grâce à des dessins de la forme des montagnes et du cours des fleuves, qu’il survolait.
Cette évocation est à l’origine de mon article et m’a inspiré ce titre :
« quand les routes du ciel étaient tracées sur le sol »